AFP – L’annulation d’Israël-Argentine en préparation au Mondial-2018 a comblé d’aise les Palestiniens qui craignaient de voir l’idole Lionel Messi se prêter à une opération à leurs yeux politique, et consterné les Israéliens qui ont crié à “l’acte de terrorisme footballistique”.
Ce coup de tonnerre semble en revanche avoir soulagé la sélection sud-américaine, circonspecte quant à l’intérêt sportif de la rencontre et apparemment pressée de passer à autre chose.
“L’Argentine est à sept jours de la Coupe du monde. Nous devons nous focaliser sur ce qui est vraiment important et sur ce qui est devant nous”, a déclaré à l’AFP un porte-parole de la fédération argentine.
En revanche, Israël, qui aurait payé cher pour faire venir samedi à Jérusalem l’un des favoris du Mondial et se faisait une fête de ce match l’année de son 70e anniversaire, voit à nouveau un évènement à fort retentissement parasité par le conflit avec les Palestiniens.
Israël avait vu en mai le départ – inédit hors d’Europe – du Tour d’Italie, l’un des trois plus grands évènements cyclistes au monde. Mais cette fois, les Messi, Paulo Dybala et autres Angel Di Maria ont cédé aux pressions palestiniennes, largement assimilées à des agissements terroristes, et aux “menaces” contre eux-mêmes ou leurs familles, a accusé Israël.
“Nous avons affaire à un acte de terrorisme footballistique de la part de la fédération palestinienne de football et de son président”, a dénoncé le secrétaire général de la fédération israélienne, Rotem Kamer.
Le président de la Fédération palestinienne, Jibril Rajoub, avait exhorté Messi, une star dans les Territoires comme ailleurs, à ne pas jouer samedi à Jérusalem, appelant les Palestiniens à “brûler” son maillot s’il le faisait.
La ministre israélienne de la Culture et des Sports Miri Regev a affirmé que l’annulation du match avait pour “seule raison les menaces de terroristes sur le vie de Messi et des membres de sa famille et d’autre joueurs argentins”. La ministre n’a pas précisé qui selon elle était à l’origine de ces menaces et comment elle en a pris connaissance.
Elle a également assimilé devant des journalistes la campagne menée par les Palestiniens contre la venue de l’équipe argentine en Israël à l’attentat aux Jeux Olympiques de Munich en 1972 qui avait coûté la vie à 11 membres de la délégation israélienne. “C’est le même terrorisme qui est à l’oeuvre”, a-t-elle proclamé.
– “Carton rouge” –
Sur fond de conflit persistant avec Israël depuis des décennies et de tensions meurtrières dans la bande de Gaza, il avait pressé Messi de ne pas contribuer à occulter les “crimes” israéliens.
Rotem Kamer a accusé la fédération palestinienne d’avoir menacé les joueurs argentins, et a même fait état, sans les attribuer clairement, de menaces contre les familles des joueurs, bien que M. Rajoub ne semble jamais avoir menacé l’intégrité physique des Argentins.
“On dit au monde arabe de brûler le maillot de Messi, on menace les familles des joueurs de football”, a dit Rotem Kamer, annonçant le dépôt d’une plainte auprès de la Fifa contre la fédération palestinienne.
La Fédération palestinienne a salué le “triomphe” du sport sur l’exploitation politique qu’Israël comptait selon elle faire du match.
“Un carton rouge du reste du monde aux Israéliens”, a dit à la presse M. Rajoub.
“Les actions et les menaces nous ont conduits à prendre la décision de suspendre la rencontre”, a dit le président de la fédération argentine Claudio Tapia, de Barcelone où la sélection est en stage et d’où elle devait rallier Jérusalem pour le match amical sur la route de la Russie.
Israël est en butte à une campagne globale de boycott contre l’occupation et la colonisation des Territoires palestiniens. Il mène un vigoureux combat pour promouvoir son image et défendre sa légitimité contre les supporteurs de la cause palestinienne.
Le match a été rattrapé par le conflit. Mais il avait aussi suscité une foule de questions, en Argentine quant à son intérêt sportif dans une période cruciale de préparation, et en Israël quant à son organisation ou aux conditions de vente des billets.
– “Ce qu’il convenait” –
La contestation s’est amplifiée avec le transfert du match de Haïfa, où il était initialement prévu, à Jérusalem, en pleine querelle sur le statut diplomatique de la ville sainte.
La ministre des Sports Miri Regev, très impliquée dans la célébration du 70e anniversaire et défenseure ardente de la souveraineté israélienne sur Jérusalem, a elle-même admis que son ministère avait payé 2,5 millions de shekels (598.000 euros) pour que le match ait lieu à Jérusalem.
D’après la presse argentine, la fédération devait recevoir, en fonction de la participation de Messi, un cachet de 2 à 3 millions de dollars pour l’étape à Jérusalem.
La fédération argentine a déjà touché 1,5 million de dollars, a écrit Clarin, quotidien argentin de référence.
Israël-Argentine devait être le dernier match amical de préparation de l’Argentine, qui dispute sa première rencontre en Russie le 16 juin face à l’Islande (gr. D).
Mais, depuis l’annonce du match, le sélectionneur argentin Jorge Sampaoli ruminait. “Ce n’est pas moi qui décide quand on joue et contre qui”, avait-il lâché après la victoire 4-0 contre Haïti, le 29 mai à Buenos Aires.
“Finalement, nous avons pu faire ce qu’il convenait. D’abord la santé et le sens commun. Nous croyons que le mieux était de ne pas y aller”, a dit l’attaquant Gonzalo Higuain après l’annonce de l’annulation.